Rareté.

Voici un livre rare*. Rare car je ne suis pas certain que vous le trouviez en pile en haut d’un escalator de la Fnac ou en vitrine chez votre librairie. Rare encore parce que c’est un livre qui défie les livres, réinvente le récit et atomise l’écriture. Plus rare encore car c’est le livre d’un artiste-peintre, Bleue Roy, et on sait depuis l’étonnant livre de Garouste** que lorsqu’un peintre quitte le pinceau pour la plume c’est qu’il y a urgence. 
Voici donc Inverso, le roman rare de Bleue Roy. Un livre dans lequel on entre comme dans une expo, où chaque chapitre se lit comme on regarde un tableau et, comme chez tous les grands artistes, il y a toujours quelque chose à découvrir derrière les choses. Ainsi le héros, géant transsexuel brésilien, à la recherche de sa mère ne nous raconte (ne nous montre) surtout pas sa transsexualité brésilienne mais son cœur d’enfant dans un corps de monstre et à ce titre frôle la poésie sublime qu’on retrouvait dans la chanson d’Higelin, L comme Beauté, qui s’achevait ainsi : Tu es la beauté que j’adore/Car elle m’a appris à aimer/Et à comprendre la laideur/Qui est le miroir/Où je peux contempler/Ma vérité.
Et toucher à cette grâce, c’est rarissime. C’est ce que frôle cet Inverso et ça vaut le frisson.

*Inverso, de Bleue Roy. Les fous guident les aveugles, Éditeur. Au monde depuis le 15 juin 2015.
**L’Intranquille, Autoportrait d’un fils, d’un peintre, d’un fou, de Gérard Garouste. Au Livre de Poche depuis le 5 octobre 2011.