Archive | Bouquins.

Dans la famille Turner, voici Page.

Dan Brown a Robert Langdon et GiacomettiRavenne ont Antoine Marcas, et si on enfermait leurs deux héros dans une crypte, avec quelques pièges, une jolie femme et une énigme à déchiffrer, il n’est pas sûr que les froggies soient les plus maladroits.
Bref, voici le douzième épisode des aventures du commissaire franc-maçon qui nous entraîne, cette fois, au cœur d’une confrérie à côté de laquelle les maçons passeraient pour des Bisounours : la « Skull and Bones », société secrète apparue pour la première fois en 1832 à l’université de Yale. (Combien de temps Langton mettrait-il pour découvrir que le chiffre 322 signifie 22 mars – de cette sinistre année 1312 où le roi Philippe Le Bel décida de dissoudre l’Ordre du Temple ?).
Conspiration* est un formidable page turner, une histoire qui se déroule à deux cents à l’heure (à côté, le Da Vinci code semble au ralenti, sorry, Dan) et qui prouve, une fois encore, que ces histoires de templiers, de puissance, de complots, de fake news, de sacré – ici, le pouvoir d’une relique du Christ qui, près de 2000 ans plus tard, occasionne d’inexplicables crimes –, n’ont pas fini de faire le bonheur des insomniaques. Et de tous les autres.
Vivement le treizième épisode qui, de par son numéro, devrait être terrible.

*Conspiration, d’Éric Giacometti et Jacques Ravenne. Éditions Lattès (à ce sujet, on trouvera deux méchants, page 420, ayant pour noms Laurent et Laffont, du patronyme du boss de Lattès). En librairie depuis le 24 avril 2018. Leurs autres titres chez Pocket.

Un scandale.

À l’heure des Femen, des #metoo, de la publication récente d’un terrifiant rapport qui fait état de plus de 80% des femmes victimes d’agressions sexuelles, qu’elles soient verbales ou gestuelles (pour employer un euphémisme), voici un livre qui, comme Le Malheur du bas d’Inès Bayard, chroniqué ici il y a quelques semaines, est à contre courant de toute cette agitation.
Sarah Vaughan y fait le procès d’un viol commis par un secrétaire d’état anglais, un viol de type conjugal, ce qui est extrêmement délicat à juger. Elle raconte à la manière d’un paisible Grisham, prend son temps pour décrire la psychologie de ses personnages (anatomie signifie d’ailleurs, selon Le Larousse : science qui a pour objet l’étude de la forme et de la structure des êtres organisés) et nous entraîne avec une langueur extrêmement habile dans les arcanes compliqués de l’âme humaine parfois incapable de juger le mal fait à autrui. Anatomie d’un scandale recèle une violence souterraine jubilatoire pour qui aime les thrillers psychologiques anglais, c’est-à-dire qui possèdent cette distance presque protocolaire avec leur sujet, ce qui les rend diablement efficaces.

*Anatomie d’un scandale, de Sarah Vaughan. Éditions Préludes. En librairie le 9 janvier 2019. Un très grand merci à Florence Mas du Livre de Poche pour cette très belle découverte.

La beauté s’efface parfois, mais jamais ne disparaît.

C’est toujours une joie, la joie des autres.
Découvrez ici, la joyeuse nouvelle de Dominique Cozette à propos de la naissance d’un livre*, belle comme celle d’une sœur, et que je me réjouis de partager avec vous.

*Pascale Ogier, ma sœur, par Émeraude Nicolas. Éditions Filigranes, en librairie depuis le 26 novembre 2018.

Peur panique.

Pris sur une étagère chez Lattès (avec qui les Éditions des Deux Terres ont fusionné il y a quelques temps, et peut donc s’enorgueillir d’un catalogue de littérature étrangère épatant avec, entre autres, Kazuo Ishiguro,Prix Nobel de littérature 2017, Julia Glass, Mohammed Hanif et, côté thriller, Alexandra Fuller, Patricia Cornwell, Jeffery Deaver – dont il est question ici –, Jesse Kellerman et Ruth Rendell) parce que j’avais envie de me secouer la tête, un peu comme la phase essorage secoue une machine à laver. Je voulais un truc genre 1600 t/mn. Curieux roman que ce Peur Panique*, à la fois thriller qui poursuit un étonnant serial killer qui tue d’une façon absolument inédite et dont la poursuite est menée par une héroïne récurrente, en l’occurrence la belle (je suppose) Kathryn Dance dont on suit (à défaut de poursuite) les égarements amoureux et professionnels, mais ce qui m’a surtout charmé (parce qu’il y a quand même quelque chose de lassant à ce que les méchants perdent à la fin, c’est tellement le contraire dans la vraie vie !) ce sont, ça et là, des phrases, des paragraphes, des moments de pure littérature américaine, celle qui possède ce don de décrire cet esprit si particulier, agaçant et fascinant à la fois. Peur Panique est donc un formidable roman hybride. Une sorte de Prius. À 800 t/mn.

*Peur panique, de Jeffery Deaver, traduit par Pierre Girard. Éditions des Deux Terres et, depuis le 14 novembre 2018, publié au Livre de Poche.

Encore une envie qui se réalise.

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Dans La Liste de mes envies, Nadine, la fille de Jocelyne écrit et réalise des courts métrages. Elle en fait un qui montre « …des images en noir et blanc de trains, de rails, d’aiguillages ; au début, c’était très lent, puis tout s’est accéléré lentement, les images se sont superposées, le rythme devenait envoûtant, fascinant (…). Quand le film a été fini, elle a chuchoté en me regardant : j’ai écrit le boléro de Ravel en images maman, pour que les sourds puissent l’entendre ».
Alors penser que La Liste de mes envies* vient d’être publié dans une édition pour que les dyslexiques puissent le lire m’emplit de bonheur.

*La Liste de mes envies, éditions Les Terres Rouges, collection « Facilydys ». En librairie depuis quelques jours. Un très grand merci à Gérard Campanelli et Catherine Renard.

109 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2017.

Pratiquement une tous les trois jours. Il en faut combien pour qu’on se décide enfin à couper les bras des monstres ?
En attendant je ne peux que vous inviter à lire (ou relire) le roman* parfait de Philippe Routier sur ce sujet.

Noces de verre
*Noces de verres, éditions Stock. En librairie depuis le 11 janvier 2012 – depuis, plus de 650 femmes ont été tuées par leur mec.

Tous les ans et toujours différent.

Marc LevyCe qu’il y a d’épatant avec un livre de Marc, c’est qu’on ne sait jamais à l’avance où il va nous emmener – chacun d’eux est comme un billet d’avion dont on ne connaîtrait pas la destination. Une fois 1, c’est sur le Mont Blanc, dans une intrigue à la Michael Crichton, un polar géopolitique brillant. Une autre fois 2, c’est une plongée dans l’Amérique gauchiste qui n’aime pas qu’on évoque ses démons. Une autre encore 3, c’est dans une amusante satire (d’après moi) de lui-même et dans laquelle j’ai trouvé les plus belles pages sur le pouvoir de l’écriture. Aujourd’hui, c’est de nouveau à New York où il vit qu’il nous transporte, dans une comédie typiquement newyorkaise qui redonne tout son sens au mot charmant : qui a du charme, qui plaît extrêmement, qui exerce un attrait puissant sur les sens, l’affectivité ou l’esprit.
Avec Une fille comme elle 4, Marc nous fait replonger dans les merveilleuses comédies que l’on dévorait (et dévore toujours) à Noël, celles de Lubitsch, de Leo McCarey, de Mankiewicz, de Capra, Gary Marshall, Nora Ephron et tant d’autres. Une histoire très bien troussée, bien moins légère qu’il n’y paraît (ce qui d’ailleurs est la meilleure recette des comédies justement) et qui fait se croiser un indien pressé et une fille dans un fauteuil. Mais chut.
Ouvrez le livre, montez à bord de l’ascenseur de Deepak, il vous emmènera bien plus loin que ses huit étages.

1. Un sentiment plus fort que la peur. Éditions Robert Laffont/Versilio (2013) puis Pocket (2014).
2. Une autre idée du bonheur. Éditions Robert Laffont/Versilio (2014) puis Pocket (2015).
3. Elle et Lui. Éditions Robert Laffont/Versilio (2015) puis Pocket (2016).
4. Une fille comme elle. Éditions Robert Laffont/Versilio. En librairie depuis le 22 mai 2018.

Tout est bien qui finit bien.

Dieudonné 2

Voici un auteur* au prénom d’un titre d’une chanson de Christophe, période « Ne raccroche pas » (pas la meilleure, pour preuve : Allo Stéphanie, ne raccroche pas/C’est samedi, je passais par là/Près du Palais, je t’offre un verre), au nom d’un comique troupier à l’humour suspect et qui raconte une histoire dans laquelle on trouve un père chasseur, alcoolique et violent, il y a des alcooliques mous mais lui bat sa femme qui elle-même ressemble à « une forme de vie primitive, unicellulaire, vaguement translucide » (page 12), un petit frère qui tue les chats du quartier depuis que le marchand de glace s’est explosé la gueule avec une bombonne de chantilly, puis se met à dépecer les chiens quand il n’y a plus de chats (la meilleure école pour finir en serial killer sur Netflix), et une narratrice qui n’a pas de nom, grande sœur du petit frère, fille de l’ivrogne et de l’amibe, qui rêve de remonter le temps depuis qu’elle a vu Retour vers le futur, de retourner au moment d’avant l’explosion de la tronche du glacier qui a eu pour effet collatéral de rendre le petit frère méchant, bref une palette de vies toutes chiffonnées qui annonce le pire. Nous sommes dans un lointain cousinage avec la Darling de Jean Teulé, la violente noirceur en moins, car l’écriture légère, faussement désinvolte d’Adeline Dieudonné, en un mot brillante, parvient à nous faire croire, malgré de drôles d’horreurs ici et là, que tout est bien qui finit bien. Le méchant perd. Les petites victimes ont une deuxième chance. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, l’auteur se fait un nom. Son roman* fait un tabac. Il remporte deux prix, l’un décerné par 800 personnes (le Prix Fnac), l’autre par 200 lycéens (vingt par établissement selon le très sérieux règlement du concours, dont celui que fréquenta Théophraste Renaudot). Son éditrice sourit, même quand il pleut, quelle joie. Et à Brive, Delphine de Vigan, aux anges, l’invite sur scène. Chaque saison littéraire réserve une ou deux magnifiques surprises qui sont la preuve qu’il faut continuer à croire aux miracles.

*Adeline Dieudonné. La vraie vie. Éditions L’iconoclaste. En librairie depuis le 29 août 2018. Prix Fnac 2018. Prix Renaudot des Lycéens 2018.
**Darling, de Jean Teulé. Éditions Julliard puis Pocket.