Archive | Bouquins.

Le Grand Méchant Loup.

Trévidic

Voilà un livre formidable. Un texte brillant et drôle qui nous raconte la naissance du PMJ (Petit Méchant Juge) sous le bon et judicieux François Ier, ses affres à travers la grande Histoire, ses victoires, ses défaites, jusqu’à, récemment, un certain « ancien président qui voulait le redevenir » (espérons que nous aurons la mémoire longue) et qui voulait sa peau, purement et simplement, selon le principe qu’un Juge mort ne fouille pas dans les poubelles du scandale. Marc Trévidic a la plume vive, pleine d’esprit et d’humour ; sa fable, fille de Voltaire et La Fontaine, nous entraîne là où nous ne sommes pas les bienvenus, nous les Petits Cochons – même pendant les Journées du Patrimoine : au cœur du Château et de cette caste qui, décidément, vit dans un monde sans nous. Marianne, reviens !

Qui a peur du Petit Méchant Juge ?, de Marc Trévidic, éditions Lattès. En librairie.

Toujours debout.

Chalendon

Il y a un an, Sorj avait le cœur qui battait plus vite. Il était sur la dernière liste du Prix Goncourt  – il ne l’aura pas (c’est Pierre Lemaître) mais obtiendra le Prix Goncourt des Lycéens, trois semaines plus tard, pour son magnifique, son immense roman.
L’histoire folle et belle d’un homme qui rêve de monter l’Antigone d’Anouilh à Beyrouth. De prendre à chaque camp un fils, une fille, un ami, un frère, et de les faire se rassembler sur scène (en parlant de scène, oubliez la Comédie Française, imaginez plutôt, comme lieu de théâtre, un jardin bombardé, des gravats assassins, une cour sans rires). De faire oublier la guerre, pendant deux heures.
L’histoire de cet homme qui meurt à l’aube de son rêve, et, à l’agonie, en confie la réalisation à un lointain ami ; un français, petit théâtreux de faubourg. Nous sommes en 1982. Le théâtreux va partir. Et il va nous embarquer dans l’une des plus belles histoires d’humanité.

Le quatrième mur, de Sorj Chalandon, éditions Grasset et Livre de Poche.

Pas mal.

26 oct 14 photo

Comme un coquillage, approchez ce livre de votre oreille. Vous entendrez des cœurs qui battent et se battent, une mitraille de 1936 ; des mots qui s’entrechoquent, du langage sans filet, du vocabulaire d’utopies, des mots d’amour qui n’en parlent pas ; vous entendrez des sons nouveaux, sortes de boutures d’espagnol et de français ; la voix de Georges Bernanos, son indignation contre la guerre civile espagnole, et surtout contre l’immense silence approbateur de l’Église ; vous entendrez une parole de lumière, une parole de ténèbres ; vous entendrez un très grand livre, une musique de guerre et de paix ; une Salvayre, comme un opéra jubilatoire.
Pas pleurer, de Lydie Salvayre, éditions du Seuil. En librairie. Et Prix Goncourt 2014 depuis le 5 novembre.

Retour vers le futur.

Enfin, je retrouve l’Angst (et même le das Wovor der Angst) d’Heiddeger et l’angoisse de Sartre, qui me rappellent ces si beaux concepts de nos années estudiantines ; il nous faisaient débattre et nous battre et veiller jusqu’à l’aube, à Lille, à l’Étoile de Tunis, avec du Sidi Brahim (14,5%vol, quand même), en réinventant le monde, et surtout en essayant de nous y écrire une place. Catherine Monnet nous apporte enfin les réponses que nous cherchions alors dans l’impétuosité de nos dix-huit ans ; nous offre la clé. Celle de la reconnaissance de soi, cette première naissance philosophique au monde ; nos premiers pas vers le respect de soi, celui des autres et surtout l’Anerkanntsein (être reconnu) d’Hegel qui fait de chacun de nous une personne unique. Ouf.

17 oct 14 photo

La Reconnaissance –La clé de l’identité, Catherine Monnet, éditions L’Harmattan, déjà en librairie.

Dargent, une parole en or.

10 oct 14

J’aurais du apporter des fleurs, d’Alma Brami, au Mercure de France. 154 pages de lâchetés, de douces cruautés et finalement, sur l’apprentissage de la tendresse de soi.

Au risque de se répéter.

Touchant. Brillant. Drôle. Féroce. Poignant. Émouvant. Juste. Sincère. Léger. Grave. Virevoltant. Sombre. Lumineux. Sensible. Virtuose. Tout a été dit sur ce livre. Et tout est juste.

6 oct 14

Nos étoiles contraires, de John Green, éditions Nathan.

Lecteur, lève-toi !

Une fille découvre que son père est un criminel de guerre. A coté d’eux, un sourd les entend. 89 pages d’intelligence ; d’élégance de phrases emperlées de mots parfaits ; une construction impeccable pour une émotion encore plus troublante par le fait qu’elle est un récit cette fois, et non pas un juste un de ces romans brillants dont Erri de Luca nous fait régulièrement le cadeau. Le vrai tort serait de ne pas le lire.

3 oct 14

Le tort du soldat, Erri de Luca, éditions Gallimard, Du monde entier. En librairie.

Parent, ça se dit « géniteur d’apprenant ».

25 sept 14

Quand le matin, vous dites à un élève : « Nous allons lire aujourd’hui une nouvelle assez facile pour qu’Abdellah puisse suivre le cours, et qui s’intitule Mon ami le robot. Prenez votre livre à la page 67. Tu sais ce que c’est, Abdellah, un robot ? –qu’il vous répond Ben oui m’dame, c’est arabe en verlan », et que le soir, la formatrice des enseignants vous dit : « Si c’est trop juste, accélérez votre cours. Et puis vous devez respecter les trois lectures analytiques, trois lectures cursives et trois lectures d’œuvres intégrales par an », a) vous rentrez fumer le pétard du siècle, b) le pétard du siècle plus la biture du millénaire, c) vous quittez l’Éducation Nationale et faites des ménages, d) vous traitez tout ça avec humour, intelligence et un certain cynisme brillant. Emmanuelle Delacomptée a coché la réponse d dans son épatant récit1 sur sa première année d’enseignante à Saint Bernard de L’E, au collège des 7 Grains d’Or2. Un livre de prof qui n’a pas oublié qu’elle fut un élève ; ça vaut bien plus que la moyenne.

1 Molière à la campagne, d’Emmanuelle Delacomptée, éditions Lattès. En librairie depuis le 20 août 2014.
2 Situé entre les départementales D32 et D547.